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LA CONTENTION ET L’ISOLEMENT EN MILIEU SCOLAIRE

Dans un milieu scolaire, il arrive que certains élèves fassent des crises pour des raisons variées. Les enfants ayant une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme ne savent pas, forcément, gérer leurs émotions. Pour calmer la situation et gérer une crise, les mesures de contrôle sont, parfois, mises en œuvre. Ces dernières incluent la contention, l’isolement et la substance chimique. Par mesure de contention, il faut entendre une mesure qui vise à limiter ou à arrêter les mouvements d’une personne à l’aide de moyen mécanique, de retrait d’un moyen pour pallier un handicap ou de la force. Par isolement, on entend le fait de confiner une personne dans un endroit qu’elle ne peut quitter à sa guise, et ce, pour un moment déterminé. Par substance chimique, il faut comprendre la pratique qui consiste à administrer un médicament afin de réduire l’aptitude d’une personne à agir. Est-ce que les mesures de contrôle sont légales? Est-ce qu’elles sont nécessaires? Qui a le droit d’y avoir recours? Quel est le bon moment pour le faire? Combien de temps dure ce genre de gestion de crise?

Les salles de retrait ou d’isolement sont des locaux qui servent à aider l’enfant en crise à retrouver son calme. Le but de ces salles est de pouvoir se focaliser sur ses émotions, les vivre et les laisser s’apaiser. Malheureusement, certains établissements scolaires utilisent les salles de retrait pour punir un enfant en crise de son état. En décembre 2022, plusieurs écoles, en Mauricie, ont fait l’objet de plainte et d’enquête, car elles malmenaient les enfants en situation de crise. Prenons l’exemple de Véronique, mère d’un enfant vivant avec le trouble du spectre de l’autisme, qui a découvert que l’école de son fils enfermait ce dernier, très souvent, durant des heures. L’enfant était privé de nourriture, sa couche n’était pas changée, et il était traîné par les pieds et les bras pour aller en salle d’isolement. Véronique ignorait l’existence de la salle d’isolement; elle ne l’a appris que par le biais de son autre enfant qui avait assisté à la scène. Il y a, aussi, Ève, mère d’un enfant un trouble de l’attention et d’hyperactivité, dont le fils était placé dans un petit local, avec juste un matelas par terre, parce qu’il était agité et qu’il passait une mauvaise journée. Julie, mère d’un enfant ayant un trouble anxieux, a appris que son fils était enfermé à répétition, à cause de ses crises d’anxiété. Ces salles ne doivent pas être un moyen de punir, mais d’apaiser et d’éviter les situations dangereuses. Elles ne doivent pas, non plus, ressembler à des cellules de prisons. Les écoles devraient être transparente quant à l’existence et l’utilisation de ces salles. Les parents devraient être informés que leurs enfants y sont allés et ils devraient savoir combien de temps ils y sont restés. Les écoles doivent avoir un plan d’intervention, car les salles de retrait sont le dernier recours, et non pas la première intervention pour calmer une crise quelconque. Le plan d’intervention vise à accompagner positivement l’élève. D’ailleurs, la Loi sur l’instruction publique dit : « Le directeur de l’école, avec l’aide des parents d’un élève handicapé ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage, du personnel qui dispense des services à cet élève et de l’élève lui-même, à moins qu’il en soit incapable, établit un plan d’intervention adapté aux besoins de l’élève. Ce plan doit respecter la politique du centre de services scolaire sur l’organisation des services éducatifs aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage et tenir compte de l’évaluation des capacités et des besoins de l’élève faite par le centre de services scolaire avant son classement et son inscription dans l’école. Il doit en outre indiquer la possibilité de recourir à la procédure de traitement des plaintes prévue par la Loi sur le protecteur national de l’élève (chapitre P-32.01) en cas d’insatisfaction du parent ou de l’élève. » Le plan d’intervention indique tous les services qui lui sont offerts selon ses besoins spécifiques. Les interventions doivent être le résultat de l’entente entre l’élève, ses parents, la direction de l’école et le personnel autour duquel l’élève évolue. Le plan d’intervention contient les capacités et les besoins de l’élève, ainsi que les objectifs que l’élève doit atteindre. Il existe pour aider les enfants en situation d’handicap, et est évalué chaque année. De plus, il peut être révisé pour répondre aux besoins de l’enfant.

 La Loi sur les services de santé et les services sociaux mentionne : « La force, l’isolement, tout moyen mécanique ou toute substance chimique ne peuvent être utilisés, comme mesure de contrôle d’une personne dans une installation maintenue par un établissement, que pour l’empêcher de s’infliger ou d’infliger à autrui des lésions. L’utilisation d’une telle mesure doit être minimale et exceptionnelle et doit tenir compte de l’état physique et mental de la personne. » La Loi sur la protection de la jeunesse stipule que les mesures comme la force, l’isolement, tout moyen mécanique ou toute substance chimique ne peuvent jamais être appliquées comme mesure disciplinaire.

Certains professionnels de la santé, comme les infirmiers, les médecins, les ergothérapeutes, les physiothérapeutes, les psychologues, les criminologues, les travailleurs sociaux et les psychoéducateurs peuvent avoir recours aux mesures de contention en se basant sur la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Seuls les ergothérapeutes, les médecins, les physiothérapeutes et les infirmiers ont, légalement, le droit de déterminer l’utilisation de mesures de contention en milieu scolaire. Cette loi stipule : « La force, l’isolement, tout moyen mécanique ou toute substance chimique ne peuvent être utilisés, comme mesure de contrôle d’une personne dans une installation maintenue par un établissement, que pour l’empêcher de s’infliger ou d’infliger à autrui des lésions. L’utilisation d’une telle mesure doit être minimale et exceptionnelle et doit tenir compte de l’état physique et mental de la personne. »

Pour faire court, les médecins ont droit de contention, d’isolement et de substance chimique. Les infirmières ont droit de contention et d’isolement (les infirmières praticiennes spécialisées sont les seules à avoir droit de substance chimique). Quant à l’ergothérapeute, le travailleur social, le psychologue et le psychoéducateur, ils ont droit de contention et d’isolement; ils n’ont pas droit de substance chimique. Le physiothérapeute, lui, a seulement droit de contention.

Les écoles ont, fréquemment, des membres du personnel non qualifiés pour intervenir auprès des enfants vivant avec la déficience intellectuelle ou le trouble du spectre de l’autisme. Pour y remédier, il faudrait que le Gouvernement du Québec instaure des normes pour l’utilisation des salles d’isolement où figureraient les dimensions adéquates du local, le matériel s’y trouvant, la durée maximale que l’élève passe dans la salle, les raisons exceptionnelles détaillées demandant une telle intervention afin d’éviter la subjectivité, le nombre de fois qu’un élève peut y aller dans une journée, etc. Il devrait, également, encourager les établissements scolaires à recruter du personnel qualifié ou à former le personnel opérant auprès des enfants à besoins particuliers.

Certaines villes ont leur propre politique vis-à-vis de l’utilisation des mesures de contention et d’isolement; on peut parler des centres de services scolaires de la région de Montérégie. Cette dernière s’est mise en collaboration avec celle de la région de l’Estrie pour rédiger un document instaurant des limites concernant ces mesures. La province d’Alberta, quant à elle, a mis sur pied une norme qui réfute les salles d’isolement comme forme de punition ou gestion comportementale, mais comme un moyen utilisé seulement lorsque l’enfant a un comportement pouvant porter un risque physique grave à un autre enfant ou à lui-même. Il devrait y avoir une loi ou un projet de loi qui instaurerait l’uniformité par rapport aux normes visant l’utilisation de salles d’isolement.

Pour joindre le protecteur national de l’élève au Québec, Me Jean-François Bernier, il faut composer le 1 833 420-5233 pour appeler ou texter, ou le joindre par courriel info@pne.gouv.qc.ca ou plaintes-pne@pne.gouv.qc.ca. N’hésitez pas à aller sur le site web du protecteur national de l’élève https://www.quebec.ca/gouvernement/ministere/education/organismes-lies/protecteur-national-eleve   pour plus de détails. Vous pouvez, également, remplir le formulaire de plainte https://www.quebec.ca/education/prescolaire-primaire-et-secondaire/droits-eleve .

 

Sources :

L’Ordre des ergothérapeutes du Québec, « La contention en milieu scolaire », https://www.oeq.org/publications/occupation-ergotherapeute/articles-sur-la-pratique-professionnelle/107-la-contention-en-milieu-scolaire.html , page consultée le 10 juillet 2024.

Légis Québec, « Loi sur les services de santé et les services sociaux », https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/s-4.2, page consultée le 10 juillet 2024.

Légis Québec, « Loi sur la protection de la jeunesse », https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/P-34.1 , page consultée le 10 juillet 2024.

Infolettre de l’Ordre des ergothérapeutes du Québec, « Le point sur la contention en milieu scolaire », https://app.abrizo.com/newsletter-view-online?ct=zAroy9QXXxTjsUWwutYo5-9bxt_HB58TYNskP4TeGLKEAyFP-ILIChIGKQQmBlcj_u3EBrYTtQcFCoKcR1qNKw~~ , page consultée le 10 juillet 2024.

Naître et grandir, « Le plan d’intervention à l’école », https://naitreetgrandir.com/fr/etape/5-8-ans/ecole/plan-intervention-ecole/, page consultée le 10 juillet 2024.

Radio-Canada, « Dans des écoles, des salles pour calmer utilisées pour punir », 13 décembre 2022,  https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1940580/salles-retrait-isolement-apaisement-ecole-autisme-tsa-education-specialisee , page consultée le 11 juillet 2024.

Gouvernement du Québec, « Protecteur national de l’élève », https://www.quebec.ca/gouvernement/ministere/education/organismes-lies/protecteur-national-eleve , page consultée le 2 juillet 2024.

Gouvernement du Québec, « Cadre de référence pour l’élaboration des protocoles d’application des mesures de contrôle : Contention, isolement et substances chimiques », https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2014/14-812-01W.pdf , page consultée le 11 juillet 2024.

Légis Québec, « Loi sur l’instruction publique », https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/i-13.3 , page consultée le 11 juillet 2024.

Radio-Canada, « L’Alberta adopte de nouvelles normes pour les salles d’isolement dans les écoles », 24 octobre 2019, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1360015/alberta-salle-isolement-ecole-education#:~:text=Selon%20les%20nouvelles%20normes%2C%20les,quelqu’un%20d’autre., page consultée le 16 juillet 2024.

Syndicat de Champlain, « Les mesures contraignantes à l’école : Une question éducative, légale et éthique », https://www.syndicatchamplain.com/wp-content/uploads/2018/01/Les_mesures_contraignantes_en_milieu_scolaire.pdf , page consultée le 16 juillet 2024.

 

Mention source de la photo:Unsplash,Carolina

 


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