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La judiciarisation et le TSA

Le mois de l’autisme arrivant à terme d’ici quelques jours, le RODITSA désire conclure la série d’articles sur le sujet en parlant de la judiciarisation du TSA. Le système de justice est un grand mécanisme qui englobe une panoplie de processus judiciaires. En comprendre le sens dans son entièreté s’avère complexe pour la majorité des gens, y compris ceux qui présentent un trouble du spectre de l’autisme. Lorsque nous sommes appelés à jouer un rôle au sein du système de justice, que ce soit en tant que victime, contrevenant ou témoin, il est primordial de comprendre le processus judiciaire qui a été enclenché. Malheureusement, le TSA est un sujet qui demeure très méconnu au sein de notre système judiciaire. C’est pourquoi l’adaptation à leurs besoins est encore aujourd’hui désuète. Cela a donc parfois comme effet d’ajouter des obstacles à leur cheminement, compromettant ainsi le respect de leurs droits fondamentaux.

En effet, les personnes qui vivent avec un trouble du spectre de l’autisme sont plus présentes au sein de la justice que l’on peut penser. Malheureusement, on remarque leur présence plus accrue en tant que victime. Cependant, cela n’empêche pas la possibilité de les retrouver en tant que contrevenant ou témoin.[1] Ce qui peut porter à confusion, c’est que certains traits propres à l’autisme, comme une grande sensibilité, un attachement à la routine ou certains comportements antisociaux peuvent entraîner des agissements indésirables, comme de la violence par exemple. Si toutefois un tel geste est posé, cela peut constituer un acte criminel, même si l’acte était une réaction de désorganisation dû à un élément perturbateur.[2] C’est pourquoi il est impératif que les comportements types du TSA soient connus du système de justice. La méconnaissance de ceux-ci peut amener à une judiciarisation excessive, ce qui contrevient nettement à leur droit à l’égalité garanti par les chartes.

Si un processus judiciaire est entamé, il est possible que la personne qui présente un TSA rencontre des difficultés ou de l’incompréhension dès l’arrestation et l’enquête préliminaire, le cas échéant. Tout d’abord, comprendre l’impact de son geste et la raison d’une intervention peut représenter un grand défi. Ensuite, raconter les faits dans un ordre chronologique et de façon claire peut s’avérer très difficile. Il en est de même lorsque vient le temps d’interpréter ses gestes et comprendre la portée de ceux-ci. Leur manière d’expliquer les événements peut être différente, avec l’utilisation de mots répétitifs ou une rigidité dans le récit. C’est pourquoi il est facile de confondre l’autisme avec des comportements antisociaux qui sont enclins à provoquer des agissements qui semblent inappropriés. Il se peut aussi parfois que des aveux arrivent très rapidement, sans nécessairement qu’ils en comprennent le sens et qu’ils acceptent facilement l’interprétation d’autrui.[3]

En sachant cela, on comprend mieux pourquoi il est primordial de détecter la présence d’un TSA le plus rapidement possible lors du processus judiciaire. Lorsque cela est fait, il sera important de combler le besoin immédiat d’une adaptation et d’un accompagnement au cours des différentes étapes du processus.[4] L’adaptation et l’accompagnement des personnes qui vivent avec un TSA dans ces cas précis sont d’ailleurs régis par la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale et par la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Il est aussi essentiel que les intervenants dans ce type de dossier connaissent aussi bien les besoins de la personne impliquée que le fonctionnement du système de justice. De ce fait, il sera plus facile de « lui assurer une défense équitable basée sur une compréhension éclairée de ses droits. »[5] Des exemples d’adaptation seraient de moduler le mode de communication par un langage simplifié, ou encore d’ajouter des outils qui facilitent l’accès à l’information. De cette façon, les droits fondamentaux ne seront pas brimés.[6]

Une fois le besoin d’accompagnement comblé, la poursuite du processus judiciaire peut continuer en pleine connaissance de cause de la part de chaque partie. Avec l’adaptation nécessaire, une personne qui présente un TSA sera en mesure d’évoluer positivement au sein du système de justice. Leur participation y est d’ailleurs encouragée avec les bonnes mesures par le Code criminel et la Loi sur la preuve au Canada.[7]

La Stratégie nationale de concertation en santé mentale, qui vise également les personnes qui présentent un trouble du spectre de l’autisme, préconise quant à elle une approche inclusive. Autrement dit, elle favorise l’adaptation du système judiciaire plutôt que l’instauration de voies parallèles ou de tribunaux spécialisés.[8]

Une fois que les mesures appropriées sont prises, il sera important de déterminer si la personne comprenait ou aurait pu comprendre que le geste qu’elle a posé était illégal ou moralement incorrect au moment de le commettre. C’est quelque chose qui peut s’avérer difficile à déterminer car cela dépend toujours de la perception de la personne qui présente un TSA. En effet, il est possible que le jugement social ne soit pas acquis, malgré un bon contact avec la réalité.[9]

Lors d’un témoignage à la cour, les agissements d’une personne qui présente un TSA peuvent aussi bien la déculpabiliser que lui porter préjudice. La déculpabilisation pourrait être due à un déséquilibre neurologique reconnu comme un manque d’empathie, ou le fait de ne pas distinguer le bien du mal. Si tel est le cas, il sera possible de plaider la non-responsabilité criminelle. Inversement, si un comportement froid est détecté, il est possible qu’il soit associé à un manque de remord, ce qui constitue un facteur aggravant.[10]

Il est donc très important d’assimiler que la compréhension des comportement types du TSA est très importante, tout comme le fait de cibler les besoins qui y sont associés. Pour assurer une efficacité optimale, « la mobilisation des partenaires gouvernementaux et communautaires est essentielle, notamment pour éclairer les acteurs du système de justice sur les impacts de leurs incapacités et les mesures à déployer pour les pallier ».[11]

[1] GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, « Stratégie nationale de concertation en santé mentale », (En ligne), https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/justice/publications-adm/strategies/jsm/STRA_sante_mentale_2018_MJQ.pdf?1545335931.

[2] FÉDÉRATION QUÉBÉCOISE DE L’AUTISME, « L’Express – Trouble du spectre de l’autisme et justice pénale, 2012 », (En ligne), https://www.autisme.qc.ca/assets/files/07-boite-outils/Securite/Justice_penale.pdf.

[3] Idem.

[4] Préc. Note 1.

[5] Préc. Note 2.

[6] Préc. Note 1.

[7] Préc. Note 1.

[8] Préc. Note 1.

[9] Préc. Note 2.

[10] Préc. Note 2.

[11] Préc. Note 1.


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