Le droit de vote et la déficience intellectuelle
Heureusement, au Québec, le droit de vote est un droit acquis depuis de nombreuses décennies. Certes, certains d’entre nous ont dû se battre longtemps pour l’acquérir, mais le système démocratique que nous connaissons aujourd’hui nous procure la chance de donner notre opinion politique et d’élire nos dirigeants en fonction de nos convictions. Cependant, des groupes de personnes se sont vu refuser le droit de voter jusqu’à la veille des années 2000. Il s’agit des gens qui vivent avec un handicap, autant intellectuel que physique. Évidemment, il n’est jamais trop tard pour apporter des changements favorisant l’équité et l’inclusion de chacun dans la société, mais encore aujourd’hui, des lacunes sont présentes à certains niveaux de notre système électoral.
Droit de vote au fédéral
C’est seulement depuis 1993, grâce au projet de loi C-114, que les personnes qui présentent un handicap intellectuel peuvent accéder au droit de vote. En effet, c’est la Cour fédérale du Canada, en 1988, qui a déclaré que le fait d’empêcher les personnes ayant un handicap intellectuel de voter enfreignait la Charte canadienne des droits et libertés. Le troisième article de cette Charte vient garantir que tous les citoyens canadiens sont habiles à voter[1].
Aujourd’hui, la législation fédérale vient définir en quoi consiste la qualité d’électeur en ces termes : « toute personne qui est citoyen canadien et qui, le jour du scrutin, a atteint l’âge de dix-huit ans. »[2] Si ce critère est rempli, le gouvernement vient ajouter quelques restrictions, telle que la suivante : « Le directeur général des élections radie du Registre des électeurs ou du Registre des futurs électeurs le nom de la personne qui, selon le cas : […] est soumise, pour cause d’incapacité mentale, à un régime de protection établi par ordonnance d’un tribunal, notamment la tutelle ou la curatelle à la personne, si le représentant dûment autorisé à la représenter sous ce régime lui en fait la demande par écrit. »[3] Autrement dit, une personne présentant une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme est admissible à la qualité d’électeur, mais celui-ci ne doit pas être sous un régime de protection comme mentionné plus haut.
Une fois le droit de vote acquis, la bonification des connaissances politiques devient impérative. En effet, même si une personne a la possibilité de s’inscrire au scrutin, sans un minimum de connaissances sur les partis politiques qui désirent se présenter, le vote devient illusoire. C’est pourquoi le droit à l’information est un droit qui doit impérativement être défendu et bien appliqué lorsque vient le moment de voter aux élections. En 2012, le nombre de personnes présentant un handicap était relativement plus nombreux que les personnes n’ayant aucun handicap à déclarer qu’ils ne s’avaient pas pour qui voter. Nous parlons ici de 16,1 % comparativement à 11,8%.[4] L’écart n’est effectivement pas énorme, ce qui signifie que les lacunes en ce qui a trait au partage de l’informations ne sont pas majeures. Toutefois, il convient de trouver des moyens d’améliorer la façon de communiquer les renseignements, de sorte que tous soient en mesure d’y accéder et de les comprendre.
En 2019, un plan d’action a été conçu par L’Association canadienne pour l’intégration communautaire (ACIC), « un organisme national à but non lucratif qui défend depuis longtemps les droits et intérêts des personnes ayant une déficience intellectuelle et ceux de leur famille. »[5] Ce plan d’action a apporté une suggestion intéressante et fort brillante au gouvernement canadien concernant l’inclusion. Il propose que chacune des politiques et plans d’actions nationaux soient conçus en incluant directement les personnes vivant avec un handicap[6]. Autrement dit, il faut les inclure dans chacune de nos actions et politiques, même si celles-ci ne les concernent pas directement. De cette manière, ils seraient toujours intégrés, et non pas seulement lors de l’élaboration de politiques relatives au handicap. Cette réclamation touche indirectement au droit de vote également, car en incluant les différents handicaps à la manière de partager de l’information, cette communication sera adaptée à tout le monde.
Le gouvernement a tout de même apporté quelques modifications au système électorale pour que ce dernier soit le plus accessible possible lors d’un scrutin. Par exemple, un agent de liaison en période électorale a été ajouté dans le but de faciliter la communication avec les associations de personnes ayant des besoins particuliers.
Droit de vote au provincial
Évidemment, les personnes ayant une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme sont aussi habiles à participer aux élections provinciales s’ils ne sont pas sous curatelle, comme l’indique la Loi électorale provinciale[7]. Le Québec a lui aussi apporté quelques modifications pour adapter le vote à tous les électeurs, y compris ceux ayant une DI ou un TSA. Pour ce faire, un manuel de l’électeur simplifié a été créé pour décrire de manière claire et compréhensible en quoi consiste les élections provinciales et le cheminement de la période électorale. Des images y sont incluses également pour faciliter la compréhension de ceux qui ont besoin de plus d’informations visuelles. On y explique l’utilité d’aller voter, entre autres. Le langage utilisé est facile à comprendre, et la calligraphie est de bonne taille et fait ressortir les aspects importants du texte. [8] Ce guide de l’électeur simplifié est disponible à l’adresse suivante : file:///C:/Users/droit/Downloads/DGE-619.7-VF%20(1).pdf .
Le droit de vote est un privilège que nous devrions prendre à cœur et que tout ceux qui en ont la possibilité devraient exercer. Nous avons le pouvoir d’élire nos dirigeants au provincial et au fédéral en fonction de nos convictions. Chaque électeur devrait avoir facilement accès aux renseignements nécessaires pour faire un choix éclairé. Les personnes ayant un handicap représentent une importante partie des électeurs au pays. Il s’agit de 20% des canadiens de 15 ans et plus qui présentent un handicap quelconque, dont 4% d’entre eux vivant avec un trouble du développement ou un retard du développement.[9] Il est donc impératif que nous adaptions nos élections à leurs besoins également.
[1] Art. 3, Charte canadienne des droits et libertés.
[2] Art. 3, Loi électorale du Canada, L.C 2000 ch.9.
[3] Art. 51(1)d), Loi électorale du Canada, L.C 2000 ch.9.
[4] ÉLECTIONS CANADA, « La participation électorale des électeurs handicapés : analyse comparative des pratiques canadiennes », 2012, (En ligne), https://www.elections.ca/res/rec/part/spe/dis_f.pdf .
[5] ASSOCIATION CANADIENNE POUR L’INTÉGRATION COMMUNAUTAIRE, « Un plan d’actions national pour les personnes handicapées », 2019, (En ligne), https://inclusioncanada.ca/wp-content/uploads/2019/09/FR_Federal_Election_2019_Main_Doc_Final.pdf?fbclid=IwAR0L2f_4zxUiAGKZHVTyDpuV1zRPd-HKfgmLiX3T34HChUzUJFEhrSwbqUk .
[6] Idem.
[7] Art. 1(4), Loi électorale provinciale, RLRQ c. E-3.3.
[8] ÉLECTIONS QUÉBEC, « Personne ayant une déficience intellectuelle », (En ligne), https://www.electionsquebec.qc.ca/provinciales/fr/deficience-intellectuelle.php?fbclid=IwAR3mLOKm6Ve2sBt4RxzBM7cRje_qbMa6OWX1mhp62_v_jt-nO0D08YbjonE
[9] Préc. Note 5.